Le cancer du sein : Un accident de la vie
L’annonce d’un cancer du sein est un moment tout à fait particulier. Mes patientes décrivent toujours cette impression que la terre s’ouvre sous leurs pieds. Qu’elles plongent dans le vide. Ce que je leur dis à toutes, à ce moment très particulier de l’annonce, c’est que le cancer est un accident de la vie.
Il existe de nombreuses sortes d’accidents de la vie : des accidents de la route, des Ă©vĂ©nements dramatiques qui peuvent arriver Ă vos enfants, le fait de perdre des parents, des proches… Le cancer est l’un de ces accidents, et pourtant la vie continue. J’oserais mĂŞme dire qu’il est « normal » d’avoir un cancer. Aujourd’hui, un homme sur neuf fait un cancer de la prostate, une femme sur neuf fait un cancer du sein, une personne sur trois va dĂ©velopper un cancer dans sa vie. Je ne dis pas que c’est bien, et le jour oĂą je ferai un cancer, je trouverai cela moi aussi terrible. Mais il n’empĂŞche que le cancer fait partie des accidents de la vie. Cela ne veut pas dire qu’en sachant cela, vous allez mieux guĂ©rir. Quoique, si vous vous dites que c’est un accident de la vie possible, vous allez vous faire davantage dĂ©pister.
Au passage, j’aimerais vous dire quelques mots sur cette question aujourd’hui polémique. Le dépistage est un progrès énorme, incontestable. Je suis terrifié par les femmes qui ne se font pas dépister, tout autant que par les personnes qui ne mettent pas leur ceinture de sécurité. Le dépistage fait baisser la mortalité par cancer du sein. Il permet aussi de découvrir les tumeurs à un stade plus précoce, ce qui entraîne des traitements infiniment moins lourds, qu’il s’agisse de la chirurgie ou des traitements médicaux. Toute mesure qui permet de dépister un cancer tôt est donc une mesure primordiale.
Le dépistage du cancer du sein pour être plus sereine
Le dĂ©pistage reste la meilleure façon de ne pas mourir du cancer. Mieux dĂ©pister permet de mieux traiter (avec moins de souffrances, moins de privations, moins de mutilations, moins de pertes de cheveux…) et de mieux guĂ©rir. Bref, si vous vous dites que le cancer du sein est un accident de la vie, le dĂ©pistage vous apparaĂ®tra comme une mesure de prĂ©vention bien utile. En revanche, si vous vous dites que c’est une punition divine, vous n’allez rien faire. Le cancer est d’autant plus un accident de la vie que chaque jour, nous guĂ©rissons de milliers de cancers.
Chaque individu est constitué de près de 50 000 milliards de cellules, organisées en tissus qui eux-mêmes forment les différents organes. Chaque jour, les cellules se renouvellent – des milliers de cellules se multiplient et d’autres meurent. C’est un processus indispensable à la vie. Lors de cette multiplication cellulaire, sous l’effet de différents facteurs, des petites anomalies peuvent survenir. La cellule peut alors continuer à se multiplier et devenir incontrôlable, ce qui conduit à la formation d’une tumeur.
« Le fait d’être devenus des organismes évolués, ayant une certaine durée de vie, chez lesquels les multiplications cellulaires sont nombreuses, augmente les risques de ces mutations, analysait le professeur Tursz. Heureusement, il ne faut pas une seule mutation, mais entre cinq et dix mutations dans la même cellule pour qu’elle devienne cancéreuse. »
Par ailleurs, le cancer du sein recouvre des entités très différentes, du petit cancer du sein guéri à 95 % au cancer gravissime dont le risque de mortalité est de 50 %. Mais ces cancers à très mauvais pronostic sont exceptionnels. Malgré cela, quand on leur annonce un cancer, les femmes pensent tout de suite, en grande majorité, au cancer à 50 % de mortalité. Elles ne pensent jamais au petit cancer, celui qui, pris en charge tôt, est guéri à plus de 90 %. Seules les femmes plus âgées, peut-être grâce à la maturité apportée par la vie, peuvent relativiser et prendre du recul.
Je ne suis pas un gourou, mais aujourd’hui, je dis à toutes mes patientes – du moins à celles dont le cancer sera guéri avec une probabilité de plus de 80 % – que, certes, elles vont faire une grande glissade ou un saut dans le vide, mais que, après cet accident de parcours, peut-être qu’elles vont en retirer quelque chose.
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