Cancer du sein : pourquoi moi ?
Après la plongée dans le vide, la question qui arrive immanquablement, c’est « Pourquoi ? ». Aujourd’hui, toutes les femmes ou presque me posent la question à chacune de mes consultations – ce qui n’était pas le cas quand j’ai démarré ce métier il y a trente ans.
Cette question arrive presque au premier plan. On n’a pas de réponse, sauf dans les exceptionnels de cancers génétiques liés à une mutation d’un gène prédisposant au cancer du sein. Ces mutations touchent 1 % de la population, et 7 % des femmes atteintes d’un cancer du sein. Elles sont donc rares. Pour les 93 % restants, on ignore la cause du cancer. Certes, il y a des pistes, mais qui expliquent une petite partie du phénomène seulement.
Des études passionnantes démontrent que plus de 30 % des cancers du sein seraient évitables, car ils sont essentiellement liés à de mauvaises habitudes de vie. En première ligne : l’alcool, le tabac, la surcharge pondérale et la sédentarité. À la question « Pourquoi ? », on peut donc répondre dans 7 % des cas (les formes génétiques de cancers du sein), et on ne peut pas dans 93 % des cas.
Sur ces 93 %, on pense que 30 % seraient évitables. Attention, cela ne veut pas dire que les femmes qui ne fument pas, qui ne boivent pas d’alcool, qui ne sont pas en surcharge pondérale et qui font régulièrement du sport n’auront pas de cancer du sein. Mais si vous faites attention à votre mode de vie, vous réduisez votre risque de cancer du sein.
Dans l’immense majorité des cancers du sein, nous n’avons donc pas de réponse à la question « Pourquoi ? ». On ne connaît pas non plus les causes de la leucémie. Ni celles des cancers de l’enfant, ou encore celles des cancers des ovaires ou de l’utérus. Mais bizarrement, la question du « pourquoi » est beaucoup plus présente quand il s’agit du cancer du sein. Comme si le sein cristallisait la recherche de la cause, sûrement en raison de sa symbolique particulière.
Vieillir et cancer du sein
Plus je vieillis, plus je pense que le cancer du sein est un accident de la vie dont on se sort souvent plutôt pas mal, et qui ne doit pas figurer dans la liste des punitions inattendues et injustes. Je ne suis pas philosophe, mais finalement ne faut-il pas vivre avec l’idée qu’on peut avoir un cancer comme avec l’idée qu’on est mortel ? Bien sûr, on fera tout pour l’éviter – ou, en ce qui concerne la mort, pour en retarder l’échéance le plus possible – mais ne faut-il pas vivre en se disant que c’est une possibilité de la vie ? Je vais faire en sorte de mettre toutes les chances de mon côté pour l’éviter, sans prendre de décision radicale, mais je garde en tête que cela peut m’arriver. Alors, le jour où cela m’arrive vraiment, l’impact sera beaucoup moins terrifiant. Si je sais aussi que ce n’est pas de ma faute, l’impact sera, là encore, moins destructeur.
Ne pas culpabiliser pour son cancer du sein
C’est terrible la culpabilitĂ©. C’est une rĂ©elle souffrance. Une souffrance supplĂ©mentaire qui s’ajoute Ă toutes celles qui sont directement liĂ©es Ă la maladie. Notre mĂ©tier, en tout cas notre mĂ©tier tel que nous l’envisageons et l’exerçons ici Ă l’Institut du Sein Paris, c’est de guĂ©rir en gommant le plus de souffrances possible. Nous passons Ă©normĂ©ment de temps, et consacrons beaucoup d’énergie Ă l’amĂ©lioration de la prise en charge des femmes. Cela concerne bien sĂ»r d’abord la partie chirurgicale, qui est notre cĹ“ur de mĂ©tier : notre objectif est de sauver le sein chaque fois que c’est possible, mĂŞme si on vous a dit ailleurs que ce n’est pas possible, ou de reconstruire le sein systĂ©matiquement… Mais notre but est aussi de rĂ©duire la souffrance physique, tout autant que la souffrance psychique. Nous mettons en place de manière systĂ©matique des protocoles antidouleur qui permettent aux patientes opĂ©rĂ©es de retrouver rapidement le sourire.
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