Cancer du sein : une fausse urgence ?
Le premier message que je souhaite faire passer aux femmes est le suivant : le cancer du sein n’est pas une urgence chirurgicale, c’est une urgence psychologique. C’est une information fondamentale que l’on explique rarement aux femmes. Quand on vous annonce que vous avez un cancer du sein, en réalité, celui-ci est déjà présent depuis plusieurs années.
Il est impossible de détecter à la palpation ou à la mammographie un cancer qui vient tout juste d’apparaître. Ainsi, on estime qu’à l’âge moyen d’apparition d’un cancer du sein, autour de la cinquantaine en France, le cancer standard détecté lors de la mammographie ou de la palpation a commencé à se former il y a trois ou quatre ans. Il y a bien sûr des exceptions, comme le cancer du sein dont la biopsie montre une prolifération très forte. Mais ces cas restent très exceptionnels. La leucémie est une urgence cancérologique parce que la tumeur est sujette à une prolifération très forte, mais pas le cancer du sein classique. Le cancer du sein tue – trop – mais moins que ce qu’on imagine et, surtout, pas tout de suite.
L’annonce d’un cancer du sein
Pourtant, l’annonce d’un cancer du sein fait souvent l’effet d’une bombe. C’est le coup de tonnerre. Le sentiment d’urgence absolue est très fort. De nombreuses femmes se disent alors : « Vite, il faut que je me le fasse retirer tout de suite. » Résultat : bien souvent, elles vont consulter non pas le meilleur chirurgien, mais celui qui peut les prendre le plus rapidement.
Un copain chirurgien américain me disait toujours : « Si un médecin peut te voir le lendemain et t’opérer le surlendemain, surtout n’y va pas. Cela signifie qu’il n’est pas surbooké, ce qui n’est pas normal pour un professionnel compétent. » Je suis vraiment d’accord avec cela ! Je vous garantis que si un jour j’ai un cancer, je vais prendre mon temps pour trouver et aller voir le meilleur spécialiste.
Devez-vous prendre des décisions rapidement, à la suite du diagnostic d’un cancer du sein ?
Dans ce métier hyperspécialisé de la prise en charge du cancer du sein, les bons professionnels sont surbookés. Ce n’est pas grave, car il n’y a pas d’urgence. En un mois, il ne se passera rien, vous avez le temps de prendre votre temps. Je vais sûrement en faire hurler certains, mais c’est une réalité. Si une femme vient me consulter fin juin en me disant qu’elle part en vacances le 10 juillet et qu’elle doit absolument être opérée avant son départ, je lui réponds qu’elle peut, si elle le souhaite, partir en vacances et que je l’opérerai à son retour. Bien sûr, si la biopsie de sa tumeur montre qu’elle est peu ou pas agressive. Si elle avait fait sa mammographie en septembre, on en serait exactement au même point. Pour qu’un cancer peu proliférant augmente d’un millimètre et que cela soit visible en radio, il faut des mois.
Des confrères m’appellent régulièrement pour m’adresser des femmes à qui l’on vient de détecter un cancer du sein, en me disant qu’il leur faut un rendez-vous « tout de suite ».
Quand je leur dis que ce n’est pas une urgence, ils me répondent que la patiente en question est très angoissée. Mais pourquoi est-elle dans cet état ? Le fait qu’ils m’appellent devant elle avec un ton pressant n’y est sûrement pas étranger… Peut-être que s’ils s’adressaient à elle de manière plus posée et plus rassurante, cette patiente serait plus sereine. « Je vous donne les coordonnées d’un spécialiste, vous pouvez l’appeler tranquillement et vous aurez un rendez-vous dans les quinze jours. En attendant, ma secrétaire va transférer votre dossier afin qu’il ait toutes les informations nécessaires. » Le résultat sera le même, mais on aura économisé tellement d’angoisse et de précipitation !
Il faut absolument faire passer cette information aux patientes, mais aussi aux médecins, en particulier aux jeunes médecins : le cancer du sein n’est pas une maladie urgente à un mois, à de rares exceptions près. Dans la quasi-totalité des cas, c’est une maladie très lente qui se développe pendant des mois et des années.
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