Dr Anne Vincent Salomon, Anatomopathologiste, Chef de service à l’Institut Curie
Entretien en octobre 2018
Actuellement, on se rend compte que l’analyse du tissu par les pathologistes rend vraiment service au chirurgien, pour lui donner une indication sur la qualitĂ© de son geste opĂ©ratoire. C’est essentiel pour la patiente puisque des informations que le pathologiste aura donnĂ© de ses analyses, vont dĂ©pendre ensuite les traitements qui vont lui ĂŞtre proposĂ©s : plus le niveau d’information est prĂ©cis, plus on va pouvoir ajuster les traitements proposĂ©s aux patientes de façon Ă ĂŞtre bien prĂ©cis, cibler uniquement les cellules tumorales et Ă©pargner les cellules normales.
Donc cette mĂ©decine de prĂ©cision, elle commence vraiment avec l’analyse pathologique de la tumeur, elle s’enrichit de l’analyse molĂ©culaire et elle aboutit Ă une palette de possibilitĂ©s de traitements que l’on espère voir s’affiner dans le futur le plus proche possible.
Le compte-rendu d’anatomo-pathologie (anapath), c’est une check-list qui va aider le chirurgien, l’oncologue mĂ©dical et le radiothĂ©rapeute qui viendront Ă©ventuellement complĂ©ter le traitement.
Qu’est-ce qu’une cellule cancéreuse ?
Les cellules du corps, pour un grand nombre d’entre elles, se divisent, elles se renouvellent, elles sont très disciplinĂ©es, très organisĂ©es. Le corps, c’est une vĂ©ritable machine parfaitement huilĂ©e, qui tous les jours permet que les cellules qui doivent se diviser le font. Quand elles se divisent, elles multiplient leur matĂ©riel chromosomique, leurs chromosomes, elles les doublent, pour pouvoir sĂ©parer le matĂ©riel chromosomique dans les deux cellules filles, sans qu’il y ait d’erreur et pour qu’elles ressemblent vraiment beaucoup Ă la cellule mère.
Mais le problème, c’est qu’il y a beaucoup de « fautes d’orthographe » qui se crĂ©ent, qui s’Ă©crivent, Ă chaque doublement de ce matĂ©riel chromosomique. Donc dans le corps normal, dans le corps sain, on a toutes les enzymes – les enzymes, c’est des petits ouvriers très spĂ©cialisĂ©s – qui vont aller corriger les fautes d’orthographe dans l’ADN des chromosomes.
Au cours du vieillissement, ces fautes d’orthographe peuvent avoir tendance Ă ĂŞtre moins bien rĂ©parĂ©es, ou alors dans certaines circonstances. Je vais prendre l’exemple du cancer de la peau que tout le monde connaĂ®t bien, le mĂ©lanome. Le soleil va induire des anomalies, des fautes d’orthographe qu’on appelle nous dans notre jargon « mutations », et il va en provoquer tant dans certaines cellules qu’elles vont ĂŞtre dĂ©passĂ©es, qu’elles ne vont plus pouvoir rĂ©parer les fautes d’orthographe. L’accumulation de ces fautes perturbe complètement le signal de division des cellules, et elles vont s’emballer et se diviser sans ordre. Elles ont tendance Ă se rĂ©pĂ©ter et Ă se multiplier Ă©normĂ©ment.
En fait le cancer, c’est vĂ©ritablement un emballement de la division des cellules, qui fait que ça leur donne en plus une capacitĂ© Ă bouger. Donc se diviser sans respecter les ordres normaux et se mettre Ă bouger, ce sont les deux caractĂ©ristiques essentielles des cellules cancĂ©reuses.
Exérèse du cancer et marges de sécurité
Le meilleur traitement du cancer, du sein en particulier, c’est bien la chirurgie : on va enlever la tumeur, le cancer, et du tissu sain, normal, qui est autour. Et cette marge de sĂ©curitĂ©, il faut qu’elle soit d’au moins quelques millimètres mais on comprend intuitivement que si on laisse plus de cinq millimètres, dix millimètres, autour de la tumeur, eh bien ça augmente les chances que tout le tissu tumoral ait Ă©tĂ© parfaitement bien enlevĂ©.
Donc, quand nous, nous examinons cette pièce opĂ©ratoire, on mesure la taille et on mesure la distance de la tumeur par rapport Ă toutes les berges. Mais quelles sont les berges vraiment importantes ? C’est celles qui sont en supĂ©rieur, en infĂ©rieur, en externe, en interne, c’est-Ă -dire Ă droite, Ă gauche, en haut et en bas, par rapport au sein de la patiente, et donc c’est ces marges-lĂ que nous nous examinons.
Alors on les regarde macroscopiquement, comme ça, Ă l’Ĺ“il, on mesure, et en palpant. Puis, avec la cartographie de la tumeur, qu’on fait une fois qu’on a fixĂ© la pièce opĂ©ratoire dans du formol, on va de nouveau vĂ©rifier, sous le microscope, que la tumeur est loin de cette berge de sĂ©curitĂ©, et qu’il n’y a pas de cellule de cancer in situ qui serait invisible et impalpable, que ni le chirurgien ni le pathologiste Ă l’Ă©tat macroscopique ne peut repĂ©rer mais qu’on voit sous le microscope.
Taille de la tumeur
Après, il y a quelque chose d’extrĂŞmement important, c’est la taille de la tumeur. Quand le chirurgien nous confie la pièce opĂ©ratoire, on l’examine, on l’ouvre comme un livre, et lĂ on va mesurer la taille de la tumeur avec l’induration, c’est-Ă -dire qu’on va vĂ©ritablement palper, comme si on examinait le corps, mais lĂ on le fait en dehors du corps sur cette pièce opĂ©ratoire et on palpe la taille de la tumeur. La taille, c’est essentiel Ă©galement pour le pronostic. Plus une tumeur est petite, meilleur est le pronostic ; plus elle est volumineuse, plus ça va ĂŞtre compliquĂ© et il va falloir ajuster les traitements. Alors pourquoi? Très probablement parce que plus une tumeur est petite, moins elle a de cellules tumorales Ă l’intĂ©rieur, et tout Ă l’heure, je vous disais que les cellules bougeaient et acquièrent la capacitĂ© Ă bouger.
En fait, c’est tout le problème du cancer d’essaimer Ă partir du sein malade pour aller donner ces petites micro-mĂ©tastases qui se tapissent pendant des semaines, des annĂ©es, et qui après, peuvent donner des mĂ©tastases ailleurs que dans le sein, sans qu’on comprenne encore exactement pourquoi. Mais tous nos efforts, c’est d’essayer de prĂ©dire si cette petite tumeur a Ă©tĂ© capable de donner des mĂ©tastases. Donc le grade et la taille sont vraiment des socles importants de la dĂ©finition du pronostic.
Différenciation et grades
On va appeler un cancer « bien diffĂ©renciĂ© » un cancer qui ressemble vraiment de très près Ă la glande mammaire normale : c’est la première caractĂ©ristique qu’on observe en regardant soit la biopsie soit la pièce opĂ©ratoire, et ensuite on va regarder cette capacitĂ© que les cellules tumorales Ă se diviser. On le voit avec l’image des mitoses, c’est-Ă -dire des chromosomes qui sont en train de se diviser, donc on va les compter. Si la tumeur est agressive, elle va avoir beaucoup de mitoses, et nous, nous les comptons très prĂ©cisĂ©ment pour Ă©tablir un grade et ce grade est Ă©galement composĂ© de la forme des noyaux. Le noyau, c’est le cĹ“ur de la cellule qui contient les chromosomes, donc c’est facile de comprendre que plus il y a de chromosomes anormaux, plus c’est le bazar au niveau des comptes de chromosomes, plus les noyaux vont ĂŞtre gros, atypiques et diffĂ©rents d’une cellule Ă l’autre, parce que ça va traduire l’anarchie grandissante possible dans les cellules tumorales.
C’est le premier niveau de classification : la diffĂ©renciation, les mitoses et la taille des noyaux. De lĂ on va tirer un grade qui est extraordinairement robuste, le grade d’Elston et d’Ellis, qui est 1, 2, ou 3, et qui est dĂ©jĂ une très bonne indication de la classification du cancer. Donc le grade 1, c’est très bien diffĂ©renciĂ©, c’est peu grave. Le grade 3 c’est indiffĂ©renciĂ©, et plus grave. Ça, c’est le socle robuste sur lequel se base la dĂ©finition du pronostic.
Formes histologiques
Il y a un niveau de diversitĂ© que l’on va appeler histologique, pour dire que ce sont des tissus qui prennent des formes diffĂ©rentes. Sous le microscope, les cellules tumorales vont s’organiser, tisser un tissu tumoral qui aura des formes diffĂ©rentes, et Ă ces formes diffĂ©rentes, quelquefois sont liĂ©s des pronostics diffĂ©rents, et donc c’est un troisième niveau de classification. Si je donne un exemple, les cancers lobulaires infiltrants du sein, c’est le deuxième grand type de cancer du sein, ça reprĂ©sente 15% de nos patientes, souvent un peu plus âgĂ©es. Ces cellules lobulaires sont comme ça, rondes, petites, isolĂ©es, et elles vont infiltrer le sein sous forme de petites cellules dĂ©crochĂ©es les unes des autres, ça ne fait plus un tissu bien solidaire, ce sont des petites cellules isolĂ©es les unes des autres.
Cancer in situ ou cancer infiltrant
Sous le microscope, on va caractériser la tumeur en infiltrante ou in situ.
La tumeur in situ reste dans l’arbre galactophorique (qui conduit le lait jusqu’au mamelon, ndr), elle reste donc protĂ©gĂ©e d’un contact avec les vaisseaux sanguins par la membrane basale et les cellules myoĂ©pithĂ©liales (c’est des termes un peu complexes mais qui sont l’Ă©corce de l’arbre galactophorique), qui vraiment confinent Ă l’intĂ©rieur de ce rĂ©seau de canaux les cellules tumorales. Donc lĂ , il ne peut pas y avoir de mĂ©tastases. Donc, nous on renseigne si c’est infiltrant ou in situ. Si c’est in situ, on va quand mĂŞme donner des indications du dynamisme et de l’agressivitĂ© potentielle de cet in situ, en donnant juste son grade nuclĂ©aire, sa taille, si cet in situ est ou non associĂ© Ă des micro-calcifications, et si les berges d’exĂ©rèse chirurgicale sont Ă distance de ces lĂ©sions in situ.
Pour le cancer infiltrant, on donne plus d’informations, en isolant le compte des mitoses puisque c’est vraiment la caractĂ©ristique mĂŞme de la cellule tumorale agressive d’en produire beaucoup. On va Ă©galement prĂ©ciser s’il y a dĂ©jĂ dans le tissu qui a Ă©tĂ© enlevĂ© des cellules tumorales prĂ©sentes dans les vaisseaux.
Il faut imaginer qu’il y a des vaisseaux partout dans le corps et autour des cancers bien sĂ»r, il y avait des vaisseaux prĂ©alablement existants et de plus, les tumeurs ont la capacitĂ© de fabriquer des vaisseaux pour se nourrir, et malheureusement ça fait une voie de circulation pour les cellules tumorales, pour qu’elles puissent filer ailleurs. Du coup, on donne cette information si oui ou non, il y a des cellules tumorales dans les vaisseaux.
On va également renseigner si oui ou non, il y a des lymphocytes dans la tumeur. Les lymphocytes sont des globules blancs qui peuvent dans certaines circonstances aider les cellules tumorales cancéreuses du sein à mourir. Ce sont des très bonnes cellules de notre corps qui, quand elles sont présentes en grand nombre, prédisent un meilleur pronostic. Donc on les quantifie, o dit s’il y en a beaucoup ou pas, et puis on va pour le cancer infiltrant encore, bien préciser sa distance par rapport aux berges.
Caractéristiques moléculaires des cancers
Après, il y a un autre niveau, le niveau molĂ©culaire oĂą lĂ on descend Ă l’Ă©chelle des caractĂ©ristiques molĂ©culaires des tumeurs. LĂ , on reclasse de façon diffĂ©rente les cancers du sein et cela a un impact direct sur le traitement.
Il y a les cancers qu’on appelle « luminaux », ce sont des tumeurs qui expriment les rĂ©cepteurs aux hormones, les rĂ©cepteurs aux Ĺ“strogènes et Ă la progestĂ©rone, qui donnent une arme de traitement puisqu’on va pouvoir bloquer ces rĂ©cepteurs hormonaux.
Ensuite il y a les cancers qui sont dits HER2. Qu’est-ce que c’est ? C’est une classe de tumeur oĂą au cours de la transformation, une des mutations aura Ă©tĂ© une espèce de bug. Au moment oĂą les chromosomes se rĂ©pliquent pour faire deux cellules identiques Ă la cellule qui leur donne naissance, il y a une espèce de rĂ©pĂ©tition, de bug, oĂą sur un des chromosomes, il y a un gène qui s’appelle HER2, dĂ©couvert il y a trente ans maintenant.
On a compris que dans les cancers du sein, dans certains cancers de l’ovaire, dans certains cancers de l’estomac, donc il « bugue » et il est rĂ©pliquĂ© en un grand nombre d’exemplaires, en un grand nombre de copies. On a compris Ă©galement que ce gène, comme la protĂ©ine qu’il fabrique, donne un ordre de mitoses très très fort, quand il est en grand nombre, alors c’est l’emballement total des cellules. Des chercheurs amĂ©ricains, comme Dennis Slamon en particulier, ont compris qu’on pouvait aller bloquer cette protĂ©ine avec un anticorps, comme une sorte d’immunothĂ©rapie – c’est une des premières immunothĂ©rapies – : donc, on va aller bloquer ce signal de mitoses et cette thĂ©rapie est extrĂŞmement efficace, parce qu’il y a l’anomalie en question.
Donc ça, c’est la deuxième classe, et il y a la troisième classe qui est appelĂ©e « triple nĂ©gative », oĂą lĂ il n’y a ni expression des rĂ©cepteurs aux Ĺ“strogènes et Ă la progestĂ©rone, ni HER2 en grand nombre. Ce sont des cellules tumorales qui ont vraiment une forte capacitĂ© Ă se diviser, Ă se multiplier.
On a compris que ces trois classes étaient associées à des pronostics bien différents, en fonction justement de leurs capacités à se diviser.
Les signatures moléculaires
A chaque fois qu’il y a de nouvelles avancĂ©es technologiques en sciences, ça prend un petit peu de temps, mais ça finit toujours par avoir des retombĂ©es positives pour une meilleure dĂ©finition de cette carte d’identitĂ© des tumeurs. En ce moment, on a un outil qui s’appelle « les signatures molĂ©culaires » et qu’on va utiliser dans des situations bien prĂ©cises quand les tumeurs expriment les rĂ©cepteurs aux Ĺ“strogènes, qu’elles sont d’une taille supĂ©rieure Ă 20 mm, ou entre 10 et 20 mm, et qu’il y a une hĂ©sitation : est-ce qu’il faut ou non donner une chimiothĂ©rapie, est-ce que ça va avoir un bĂ©nĂ©fice pour la patiente, est-ce que ça va amĂ©liorer ses chances de survie sans rĂ©cidive ?
Ce qui est un peu difficile Ă comprendre, c’est qu’il y a plusieurs types de signatures. Mais mĂŞme si elles ne partagent pas toutes forcĂ©ment exactement les mĂŞmes listes de gènes, elles donnent toutes une indication sur la capacitĂ© des tumeurs Ă se diviser et Ă ĂŞtre potentiellement agressives. Donc quelle que soit la signature qu’on va prendre, on va affiner les informations qui ont Ă©tĂ© proposĂ©es par le pathologiste sur son compte rendu pour les tumeurs rĂ©ceptrices aux Ĺ“strogènes positives.
Les thérapies ciblées
Une thĂ©rapie ciblĂ©e, c’est une thĂ©rapie qui a l’intelligence de ne tuer que les cellules tumorales et d’Ă©pargner le reste. Donc, la thĂ©rapie ciblĂ©e la plus spectaculaire qu’on ait connue dans les quinze dernières annĂ©es, c’est anti-HER2. LĂ , il y a trop de HER-2 sur la cellule, les anticorps qui sont le mĂ©dicament anti-HER2 viennent se fixer sur la cellule tumorale et la font mourir.
Autrefois, avoir une tumeur qui avait beaucoup d’HER2, trop d’HER2, c’Ă©tait une tumeur grave. Les patientes rechutaient en trois ans, quatre ans, cinq ans, elles faisaient des mĂ©tastases et on n’avait aucun outil pour les traiter, aucun mĂ©dicament pour les traiter. La dĂ©couverte de l’existence d’HER2 et des thĂ©rapies anti-HER2 a complètement transformĂ© le pronostic. Maintenant, elles ont un pronostic excellent, qui rejoint celui des femmes qui ont des tumeurs très bien diffĂ©renciĂ©es qui expriment les rĂ©cepteurs aux Ĺ“strogènes et qui sont de petite taille. Elles se portent très bien, les patientes Ă qui on a proposĂ© ce traitement anti-HER2 après la chirurgie.
Au dĂ©but de l’histoire HER2, ça a Ă©tĂ© assez spectaculaire, nous, on n’avait jamais vu ça, parce que les pathologistes ne prescrivant pas de mĂ©dicaments, on ne voyait jamais les industriels de la pharmacie. Et tout d’un coup on les a vus arriver. Il y a eu un mĂ©decin en particulier qui dans une de ces boĂ®tes pharmaceutiques, a eu l’intelligence de se dire : il faut aider les pathologistes Ă encore mieux standardiser leurs mĂ©thodes de travail si on souhaite que les bonnes patientes reçoivent le bon traitement. Et le succès du traitement anti-HER2 vient de l’intelligence de cette collaboration entre les mĂ©decins de l’industrie pharmaceutique et les pathologistes.
La révolution numérique
Il y a une rĂ©volution qui arrive grâce Ă la numĂ©risation de nos petites lames HES, qui ne vont plus ĂŞtre observĂ©es au microscope mais virtualisĂ©es, c’est-Ă -dire qu’on va les passer du stade de lame de verre Ă une image virtuelle grâce Ă un scanner de lames qui va aller capter l’image et la transformer en image digitale. Et on ne va plus regarder au microscope mais sur un ordinateur, sur un Ă©cran. Cette accumulation de donnĂ©es fantastiques que reprĂ©sentent les images donne lieu Ă des interactions avec ceux qui font de l’intelligence artificielle. Le « deep learning », le « machine learning » viennent vĂ©ritablement aider Ă concevoir de nouveau outils pour pallier Ă une Ă©ventuelle fatigue ou Ă des tâches laborieuses, rĂ©pĂ©titives comme compter les mitoses. Se faire aider par un algorithme d’intelligence artificielle, ça va ĂŞtre vraiment demain possible et ça permettra d’avoir plus de temps pour aller rechercher des paramètres nouveaux, ou plus fins, et ça va ĂŞtre une vraie rĂ©volution, qui est en train de se faire et qui est assez passionnante.
L’immunothĂ©rapie
Pour les triples nĂ©gatives, j’en n’ai pas parlĂ© jusque-lĂ , il y a une rĂ©volution en train de se prĂ©parer, qui est l’immunothĂ©rapie et les inhibiteurs de PARP. On va prendre les deux sujets.
L’immunothĂ©rapie, c’est le plus facile Ă comprendre. Tout Ă l’heure, on parlait des lymphocytes, ces globules blancs qui sont dans les tumeurs et qui, quand il y en a beaucoup, traduisent un bon pronostic. L’immunothĂ©rapie utilise une des fonctions du système immunitaire, qui est de reconnaĂ®tre en permanence que nos cellules sont bien Ă nous et qu’il ne faut pas les dĂ©truire. Dans le corps normal, il y a des globules blancs dont c’est le rĂ´le de dire toujours « non, non, c’est bon, tout va bien, il ne faut pas dĂ©truire cette cellule-lĂ , elle fait bien partie du corps… » .
Quand les tumeurs poussent, malheureusement, ces cellules du système immunitaire, comme des idiotes, continuent Ă dire « non, non, tout va bien, c’est les cellules du corps ». Mais il se trouve que ce sont des cellules cancĂ©reuses. Donc le prix Nobel de mĂ©decine, qui vient d’ĂŞtre attribuĂ© Ă ceux qui ont compris l’immunothĂ©rapie, c’est en fait de bloquer ces cellules immunes qui disent « c’est des cellules tumorales, mais tout va bien c’est des cellules du corps, ne les dĂ©truisez pas », donc c’est d’aller les bloquer en leur disant : « taisez-vous, il ne faut absolument pas laisser ces cellules, ce sont des cellules anormales ». Cela permet aux autres cellules du système immunitaire d’aller dĂ©truire les cellules tumorales. Donc c’est ça les inhibiteurs de check-point, cette immunothĂ©rapie, c’est exactement ça, c’est d’aller rendre muettes des cellules du système immunitaire qui ne doivent pas faire croire au corps que les cellules cancĂ©reuses sont des cellules du corps et que donc, on doit les laisser lĂ .
Les inhibiteurs du PARP
Les cancers du sein, on le sait, dans 5 Ă 10% des cas, surviennent dans un contexte de mutation hĂ©rĂ©ditaire des gènes soit BRCA 1 soit BRCA 2, soit P53 soit PALB 2… Enfin, on commence Ă mieux connaĂ®tre les gènes responsables d’une transmission familiale hĂ©rĂ©ditaire… Ces gènes, BRCA1, BRCA2, PALB2, P53, sont des gènes qui servent en temps normal Ă rĂ©parer les fautes d’orthographe de l’ADN. Donc si eux-mĂŞmes ont une mutation, c’est-Ă -dire qu’ils ont une Ă©norme faute d’orthographe sur leur sĂ©quence, ils ne vont plus pouvoir fonctionner, ils ne corrigent plus les fautes d’orthographe. Donc, on peut comprendre aisĂ©ment qu’Ă ce moment-lĂ , les femmes vont avoir un risque accru d’avoir une accumulation de fautes d’orthographe dans leurs cellules du sein et de faire des cancers.
Parce que le corps est une merveille de fonctionnement finalement, il y a des systèmes de secours, donc il n’y a pas qu’une voie de rĂ©paration de ces fautes d’orthographe, il y en a une un peu moins Ă©lĂ©gante, parce que elle est un peu moins parfaite, elle utilise des enzymes dont l’abrĂ©viation est PARP… Donc maintenant, si on se dit : BRCA1, BRCA2 ne fonctionnent pas dans les cellules tumorales, il y a toujours les PARP qui viennent rĂ©parer des petites fautes d’orthographe. Et les cellules tumorales se moquent d’avoir des fautes d’orthographe parce qu’elles n’obĂ©issent plus Ă personne et qu’au contraire ça leur donne ces capacitĂ©s Ă se diviser et Ă bouger, ces fautes d’orthographe. Mais point trop n’en faut quand mĂŞme, car ce sont quand mĂŞme des cellules.
Donc les PARP viennent rĂ©parer un petit peu ce qu’il faut pour qu’elles continuent Ă vivre et Ă faire leur sale rĂ´le de sale cellule tumorale. Maintenant si on bloque les PARP alors que dĂ©jĂ BRCA1 ou BRCA2 ne fonctionnent pas, les cellules tumorales vont ĂŞtre suffoquĂ©es par la suraccumulation de mutations et elles vont finalement quand mĂŞme mourir. Alors ça ne marche pour l’instant que lorsque y a une mutation de BRCA1 ou de BRCA2, mais c’est un formidable espoir…
GĂ©nomique tumorale
La gĂ©nomique tumorale ou somatique, on appelle ça parfois, c’est l’analyse, la carte d’identitĂ© des fautes d’orthographe dans les gènes des cellules tumorales, uniquement. C’est-Ă -dire que nous, pathologistes, on va prendre un petit bout de cette tumeur, en extraire l’ADN, soit le faire nous-mĂŞmes soit le faire avec les gĂ©nĂ©ticiens, et sĂ©quencer l’ADN pour regarder la prĂ©sence ou l’absence de ces mutations qui nous intĂ©ressent. Ça, c’est dans la tumeur. Ce n’est pas hĂ©rĂ©ditaire. C’est venu avec l’histoire de la tumeur, c’est ce qui a fait que la tumeur est maligne, que c’est un cancer.
Recherche de mutations génétiques constitutionnelles
La gĂ©nĂ©tique qu’on appelle constitutionnelle, c’est prendre l’ADN normal de la personne, soit en faisant un petit frottis sur la joue et on rĂ©cupère des cellules Ă l’intĂ©rieur de la joue, soit par une prise de sang, et on va regarder sur les globules blancs normaux de la personne, son ADN, c’est-Ă -dire ce qui est prĂ©sent dans toutes ces cellules, qui lui a Ă©tĂ© transmis par son père et sa mère. Donc, lĂ on va aller rechercher des mutations qui sont constitutionnelles parce qu’elles sont portĂ©es par toutes les cellules du corps de la personne et qu’elle est capable elle-mĂŞme de transmettre Ă ses enfants.
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